Les États membres de l’Union européenne (UE) se sont engagés à respecter un ensemble de règles, convenues tant au niveau régional qu’international, qui visent à prévenir et à traiter les divers effets du commerce des armes non réglementé ou mal réglementé sur les conflits, la sécurité et la stabilité régionales et, en fin de compte, sur la souffrance humaine.
Les normes en Union Européennes
Ces normes sont fondées, entre autres, sur l’application du droit international humanitaire (DIH). Cependant, il y a toujours eu des différences dans la manière dont les États membres de l’UE ont interprété ces règles, en fonction de leurs lois nationales, de leurs processus décisionnels et de leurs intérêts politiques et économiques. Ces différences sont devenues particulièrement évidentes avec l’escalade du conflit au Yémen. Alors que certains États de l’UE ont interrompu ou restreint les exportations d’armes et équipements militaires vers la coalition dirigée par l’Arabie saoudite activement engagée dans le conflit – en raison du DIH et de préoccupations relatives aux droits de l’homme – d’autres ont poursuivi les livraisons.1
En Italie et au Royaume-Uni, les parlementaires ont réagi en déposant des motions et en publiant des rapports visant à faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils modifient ou réévaluent leurs processus décisionnels. En outre, les organisations de la société civile de plusieurs États membres de l’UE – dont l’Italie et le Royaume-Uni – ont réagi en remettant en question la légalité de ces exportations par rapport aux normes régionales et internationales convenues, et en les contestant devant les tribunaux. Le 20 juin 2019, le verdict de la Cour d’appel de Londres a accepté l’un des motifs avancés par la Campagne contre le commerce des armes (CAAT) contre le gouvernement britannique. Ce jugement a notamment remis en cause la légalité du processus adopté par le gouvernement pour évaluer le risque que les armes et équipements militaires exportés vers l’Arabie saoudite aient pu être utilisés pour commettre de graves violations du DIH au Yémen.
Fiche d’information
L’objectif de cette fiche d’information est d’analyser ces deux affaires et d’évaluer l’importance potentielle des actions sur la mise en œuvre des normes internationales et régionales régissant le commerce des armes. Elle donne tout d’abord un bref aperçu de la portée du droit humanitaire international et de la manière dont les préoccupations y afférentes sont intégrées dans les instruments réglementant les transferts d’armes, tels que le traité sur le commerce des armes (TCA) et la position commune de l’UE sur les exportations d’armes. Il examine ensuite comment les États membres de l’UE ont interprété différemment ces dispositions lorsqu’ils ont évalué les transferts vers les membres de la coalition impliquée dans le conflit au Yémen – en particulier l’Arabie saoudite – et les implications de ces divergences en termes de politique. Enfin, il examine de près les motifs pour lesquels les exportations d’armes de deux des États membres de l’UE qui ont décidé de continuer à approvisionner l’Arabie saoudite – le Royaume-Uni et l’Italie – sont contestées sur le plan juridique, ainsi que l’impact potentiel de ces actions.
Le droit international humanitaire et le commerce des armes
Le droit international humanitaire, également connu sous le nom de droit de la guerre, vise à « protéger certaines personnes vulnérables » dans les conflits armés internationaux ou non internationaux et à rendre les combats « plus humains ».2 Le droit international humanitaire ne réglemente pas la légalité du recours à la force armée, mais uniquement la manière dont elle est utilisée. Les obligations des États de se conformer au DIH découlent à la fois du droit conventionnel, comme les quatre conventions de Genève, leurs protocoles additionnels et d’autres traités interdisant ou limitant l’utilisation de certains types d’armes, et du droit international coutumier.
Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les « violations graves » du DIH sont celles qui mettent en danger des personnes et des objets protégés ou qui portent atteinte à des valeurs universelles importantes. Les violations graves du DIH comprennent les « infractions graves » aux quatre Conventions de Genève, c’est-à-dire des actes tels que l’homicide volontaire, la torture, les traitements inhumains, les expériences biologiques, le fait d’infliger volontairement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale, et la destruction illégale de biens. Le protocole additionnel I complète cette liste en ajoutant une série d’actions supplémentaires qui sont considérées comme des « infractions graves » à ce protocole. Il s’agit, entre autres, des attaques sans discrimination contre des populations et des biens civils.3
Les violations graves des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I s’inscrivent dans une catégorie plus large de violations graves du DIH. En particulier, le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) est considéré comme contribuant à l’élargissement de cette catégorie. En effet, le statut inclut un certain nombre de violations graves du droit conventionnel (y compris les violations graves des conventions de Genève et du Protocole additionnel I) et du DIH coutumier applicables dans les conflits armés internationaux et non internationaux, et qu’il définit comme des « crimes de guerre ».